Je ne cherchais pas un miracle. Je voulais pouvoir m’habiller sans calculer, serrer une main sans m’excuser, dormir sans que ma peau brûle. Le psoriasis m’a appris la patience, mais c’est l’acitrétine qui m’a appris la méthode. Ce n’est pas un traitement “coup de baguette magique”. C’est plus lent que certains biologiques, plus exigeant qu’une crème. Mais quand on s’y prend bien, il peut aplanir les plaques épaisses, calmer les paumes et les plantes, et remettre un peu d’air dans le quotidien.
Je te raconte comment ça se passe vraiment, les bilans, la sécheresse, les petites victoires. Pas de promesses irréalistes, seulement du vécu, des étapes claires, et ce que les recommandations (SFD, HAS, AAD) disent en 2025. Tu devrais en sortir avec un plan, des repères, et moins d’angoisse face aux effets secondaires.
TL;DR
- À quoi t’attendre: l’acitrétine agit en 6-8 semaines, surtout utile pour plaques épaisses, palmo-plantaire, pustulose et ongles. Ce n’est pas immunosuppresseur.
- Sécurité: contraception stricte pour les femmes en âge de procréer, sans alcool, bilans foie et lipides réguliers. Interactions à connaître (tétracyclines, méthotrexate, vitamine A).
- Routine: commence bas, augmente doucement, mange avec prise. Hydrate à fond les lèvres et la peau, protège les yeux, huile le nez.
- Quand appeler: maux de tête intenses, troubles visuels, douleurs abdominales, jaunisse, saignements inhabituels, humeur qui déraille.
- Plan d’action: check-list avant démarrage, calendrier de bilans, trousse de secours contre la sécheresse, questions utiles pour la consult.
Comprendre l’acitrétine, sans jargon
L’acitrétine est un rétinoïde par voie orale (une “cousine” de la vitamine A) qui régule la maturation des kératinocytes. Concrètement, elle amincit les plaques et freine l’épaississement de la peau. Elle est souvent proposée quand les topiques ne suffisent pas, surtout pour le psoriasis palmo-plantaire, le psoriasis pustuleux, les plaques très épaisses, et les ongles. Elle marche mieux sur l’épaisseur et la desquamation que sur l’inflammation isolée. Elle est aussi utile en combinaison avec la photothérapie.
Points clés qui rassurent ou alertent: elle n’est pas immunosuppressive (utile si tu veux éviter ce risque), mais elle est très tératogène. Ça veut dire: grossesse formellement interdite pendant tout le traitement et longtemps après. En Europe, la recommandation habituelle est contraception efficace pendant la prise et 3 ans après l’arrêt, à cause d’un métabolite qui peut persister (message de sécurité réitéré par les autorités du médicament en 2024). Don du sang interdit pendant et 3 ans après. Les hommes ne transmettent pas le médicament dans le sperme à des niveaux préoccupants: pas de délai imposé pour procréer côté masculin selon les données disponibles.
Ce qu’elle n’est pas: un “biologique” ni une cortisone systémique. Elle n’agit pas en quelques jours. Elle a un profil différent du méthotrexate et de la ciclosporine: moins d’effet sur l’inflammation systémique que ces derniers, mais moins de risques infectieux comparé aux immunosuppresseurs. Elle peut faire grimper les lipides et irriter le foie si on ne surveille pas et si on boit de l’alcool.
Ce que disent les pros en 2025: les recommandations de la Société Française de Dermatologie (actualisées 2023), la fiche médicament de la HAS (2022) et les guidelines de l’American Academy of Dermatology (mise à jour 2020-2023) placent l’acitrétine comme option de choix pour les formes hyperkératosiques, palmo-plantaires et pustuleuses, souvent en monothérapie ou associée à la photothérapie. L’EMA a réinsisté sur les mesures de prévention de la grossesse récemment (2024).
Différence avec l’isotrétinoïne (celle de l’acné): mécanisme proche, mais indications, doses et exigences de contraception ne se calquent pas à l’identique. Ne compare pas les deux au millimètre.
Et si tu te demandes “Est-ce pour moi?”, imagine ce profil: plaques épaisses qui accrochent, ongles abîmés, paumes/plantes douloureuses; tu préfères éviter les immunosuppresseurs; tu peux gérer une routine de suivi et d’hydratation. Là, l’acitrétine a du sens.
Démarrer et suivre le traitement pas à pas
Je te partage le déroulé qui m’a évité les mauvaises surprises. C’est simple quand on le pose noir sur blanc.
- Bilan d’avant-match (semaine -2 à 0)
- Analyses: enzymes hépatiques (ASAT/ALAT), bilirubine, bilan lipidique (cholestérol total, LDL, HDL, triglycérides), +/- glycémie si diabète, ß-HCG sanguin si tu es en âge de procréer (souvent deux tests à quelques semaines d’intervalle).
- Ordonnances et explications: contraception double méthode (ex. DIU + préservatif) à mettre en place 1 mois avant. Zéro alcool (vraiment), pas de compléments de vitamine A.
- Revue des médicaments: stop aux interactions à risque (tétracyclines pour l’intracrânienne, méthotrexate pour le foie; prudence avec cyclosporine, anticoagulants, phénytoïne). Parles-en à ton dermato ou ton pharmacien.
- Premières semaines (0-4)
- Posologie: démarrage à 10-25 mg/j avec un repas (les graisses alimentaires améliorent l’absorption). On adapte selon ton poids (souvent 0,2-0,5 mg/kg/j au début) et la tolérance.
- Rendez-vous: contrôle clinique à 2-4 semaines. Bilan biologique à 2-4 semaines selon le profil (foie, lipides; test de grossesse mensuel si concernée).
- Objectif: trouver la dose la plus basse qui marche. Plus n’est pas toujours mieux: la tolérance prime.
- Montée progressive (4-12)
- On augmente par paliers de 10 mg toutes 2-4 semaines si les plaques résistent et si les bilans vont bien. Doses courantes: 25-35 mg/j. Parfois 50 mg, rarement plus.
- Patience: la réponse typique se voit à 6-8 semaines. Les ongles prennent des mois (la repousse est lente).
- Entretien et ajustements (après 12 semaines)
- Certains restent à petite dose continue (ex. 10-20 mg/j), d’autres passent en prise intermittente (ex. 5 jours sur 7) pour limiter la sécheresse.
- Associations: calcipotriol topique, UVB-NB (dose d’UV réduite quand on cumule), émollients, parfois petites cures de corticoïdes topiques sur plaques rebelles.
- Rythme de surveillance: une fois stabilisé, bilans tous les 2-3 mois; test de grossesse mensuel si concernée; consultation tous les 3-6 mois.
Le calendrier de suivi qui m’a sorti des embrouilles:
Moment |
Examens |
Ce qu’on vise |
Notes utiles |
Avant de commencer |
ASAT/ALAT, bilirubine, lipides à jeun, ± glycémie, ß-HCG |
Valeurs normales |
Mettre la contraception en place 1 mois avant; stop alcool |
Semaine 2-4 |
ASAT/ALAT, lipides, ß-HCG |
Stables vs base |
Ajuster dose si symptômes; revoir hydratation |
Mois 2-3 |
ASAT/ALAT, lipides, ß-HCG |
Dans la cible |
Penser aux yeux (larmes artificielles), nez (spray salin) |
Ensuite |
Tous les 2-3 mois: ASAT/ALAT, lipides; ß-HCG mensuel si concernée |
Surveillance continue |
Pas de don du sang pendant et 3 ans après |
Rappels sécurité qu’on sous-estime souvent: ne pas partager le médicament; conserver hors de portée; éviter le soleil intense au départ (peau plus sensible); parler d’emblée de ton projet de grossesse (pour caler une stratégie alternative et un timing sûr).
Gérer les effets secondaires sans se gâcher la vie
On va droit au but. La plupart des gens arrêtent à cause de la sécheresse. Donc on la prend de vitesse.
- Lèvres: baume épais à base de cire ou lanoline, à portée de main, application 8-10 fois/j si besoin. De nuit, couche occlusive (type pommade grasse).
- Peau: douche tiède, huile lavante, crème émolliente très riche matin et soir. Sur plaques épaisses: urée 5-10% ou acide salicylique en topique (si ok avec ton dermato).
- Nez: spray salin 2-3 fois/j; un peu de vaseline à l’entrée des narines si saignements.
- Yeux: larmes artificielles sans conservateur si sécheresse oculaire; lunettes de soleil dehors.
- Cheveux: perte diffuse possible; shampoings doux, pas de serrages agressifs; ça se stabilise en général.
- Alimentation: pour les lipides, pense gras “qualitatif” (poissons gras 2x/sem, huile d’olive), fibres, limiter sucres simples. Mouvement régulier, petite marche quotidienne.
- Alcool: plus simple de dire “zéro” que “un peu”. L’alcool peut transformer le médicament en un dérivé plus persistant. Tu gagnes plus en l’évitant.
Effets à connaître, signaux à surveiller:
- Sécheresse muco-cutanée: quasi universelle. Gérable avec la routine ci-dessus.
- Photosensibilité: crème solaire large spectre, chapeau, démarrage progressif de l’exposition.
- Douleurs articulaires ou musculaires: hydratation, étirements doux; prévenir si intenses ou inhabituelles.
- Hépato: nausée, fatigue, jaunisse, urines foncées = on consulte sans tarder.
- Lipides très hauts: douleurs abdominales hautes et soudaines peuvent évoquer une pancréatite. Urgences si ça survient.
- Maux de tête + vision floue: on arrête et on consulte rapidement (risque rare d’hypertension intracrânienne, surtout si tétracyclines).
Ma trousse de survie “acitrétine” (check-list):
- Baume lèvres x2, crème ultra-riche corps, huile lavante.
- Spray salin, larmes artificielles, mini stick vaseline.
- Coupe-ongles doux, lime en verre, huile cuticules.
- Crème solaire SPF 50+, chapeau.
- Gourde 1 L, petit en-cas riche en bons gras (amandes).
Question qui revient: moral et acitrétine? Les données ne montrent pas un lien clair comme on le craint parfois. Mais si l’humeur décroche, on en parle. Le psoriasis lui-même pèse lourd sur le mental. Tu as le droit d’être soutenue.
Choisir sa stratégie: combinaisons, alternatives et décisions
Tu as des options. L’acitrétine peut être le cœur de ta stratégie, ou une étape. Voilà comment je positionne les choses avec les infos 2025 et ce que les dermatos m’ont expliqué.
- Quand l’acitrétine est “best”: psoriasis palmo-plantaire douloureux; plaques très épaisses; pustulose; ongles; quand on veut éviter l’immunosuppression; en combo avec UVB-NB pour accélérer.
- Quand elle n’est “pas top”: projet de grossesse à court/moyen terme; hyperlipidémie déjà compliquée; foie fragile; sécheresse insupportable malgré routine.
Comparatif express (sans tout noyer):
- Méthotrexate: souvent efficace sur inflammation et surfaces étendues; immunosuppresseur; nécessite folates et surveillance hépatique; tératogène aussi mais délai post-arrêt plus court (discuter selon sexe et protocole).
- Ciclosporine: action rapide, utile en poussées sévères; toxicité rénale et tensionnelle; plutôt en cures courtes.
- Biologiques (anti-TNF, anti-IL-17, anti-IL-23): très efficaces, surtout sur le PASI; risque infectieux, coûts, suivi vaccinal; excellents pour les formes étendues et/ou arthrite psoriasique.
- Photothérapie UVB-NB: efficace et sûre, demande une logistique (3x/sem au départ); potentialisée par l’acitrétine qui permet de baisser la dose d’UV.
Scénarios vécus et arbitrages:
- Palmo-plantaire qui fissure: acitrétine + urée 10% + UVB mains/pieds. Objectif: refermer les fissures en 4-6 semaines.
- Ongles: acitrétine dose faible/modérée + vernis topique; compter 6-9 mois pour une repousse correcte.
- Surfaces étendues et douleurs: si l’acitrétine seule plafonne, on bascule vers un biologique ou on associe UVB; on ne s’obstine pas 6 mois si rien ne bouge.
- Projet bébé à 2 ans: privilégier photothérapie, topiques, voire un biologique compatible avec projet, pour éviter le délai post-acitrétine (3 ans).
Ce que disent les recommandations (SFD 2023, AAD 2023): on ajuste sur mesure. L’acitrétine a une place nette pour l’hyperkératose et les paumes/plantes; on associe aux UV quand possible; on surveille foie et lipides; on prévient sur la contraception avec insistance.
Questions fréquentes + prochaines étapes et dépannage
Mini-FAQ, sans détour.
- Combien de temps avant de voir un effet? Souvent 6-8 semaines pour les plaques; ongles plus longs.
- Peut-on boire “un verre”? Recommandation: non. C’est plus simple et plus sûr.
- Et si mes lipides montent? Diète, activité, réévaluation de la dose; parfois un traitement hypolipémiant; on discute risque/bénéfice.
- J’ai les lèvres qui craquent en permanence: multiplie les couches, produit plus gras, ajoute humidificateur d’air. Parfois on baisse de 10 mg et tout s’apaise.
- Je prends des antibiotiques: préviens le prescripteur. Évite les tétracyclines en même temps (risque neurologique rare mais sérieux).
- Et la conduite? Pas d’interdiction spécifique, mais si vision trouble ou céphalée, on évite et on consulte.
- Faut-il supplémenter en vitamine D? Pas systématiquement. À discuter selon tes bilans.
- Est-ce compatible avec l’arthrite psoriasique? L’acitrétine n’est pas la meilleure pour l’arthrite. Si les articulations souffrent, pense aux biologiques plus ciblés.
Prochaines étapes concrètes (selon ton profil):
- Femme en âge de procréer: parle tout de suite de ton calendrier de grossesse. Si l’horizon est < 3 ans, explore photothérapie/biologiques compatibles. Si tu choisis l’acitrétine, mets en place 2 méthodes contraceptives, test de grossesse mensuel, rappelle-toi du délai post-arrêt (3 ans).
- Homme avec cholestérol élevé: fixe un plan diététique avant de commencer; dose plus basse, montée lente; bilans lipidiques rapprochés; intègre marche quotidienne.
- Psoriasis palmo-plantaire: vise combo acitrétine + UVB-local + urée. Protège tes mains/pieds la nuit avec du film occlusif sur les zones crevassées.
- Atteinte des ongles: photographie mensuelle des ongles pour suivre la repousse; patience et limage doux; protège des traumatismes répétés (clavier, bricolage).
- Peau très sensible: démarre à 10 mg, augmente par petits paliers; privilégie la routine d’hydratation avant toute hausse de dose.
Ton plan de visite au dermato (questions à amener):
- Mon profil correspond-il aux bonnes indications de l’acitrétine ?
- Quelle dose de départ et quel palier d’augmentation pour moi?
- Quel calendrier précis de bilans pour mon cas (foie, lipides, grossesse)?
- Quelles associations (UVB, topiques) pour accélérer sans augmenter la dose?
- Quels signes doivent me faire arrêter et appeler?
- Quel est le plan B si à 8-12 semaines je ne réponds pas?
Dernier mot de patiente: ce traitement m’a redonné de l’espace. Oui, j’ai un baume à lèvres dans chaque poche. Oui, j’ai dit adieu au vin rouge un temps. Mais j’ai remis des sandales. Si tu t’engages, fais-le avec méthode: suivi carré, hydratation à fond, et dialogue régulier avec ton dermato. C’est ça, la vraie différence.
Sources de confiance citées: Société Française de Dermatologie (recommandations psoriasis 2023), HAS (fiche acitrétine 2022), American Academy of Dermatology (guidelines psoriasis 2020, mises à jour 2023), Agences du médicament européennes (communications sécurité 2024). Sans liens ici, mais ce sont des références que ton médecin connaît bien.