Pheochromocytome : Tumeur surrénale, hypertension et chirurgie

Pheochromocytome : Tumeur surrénale, hypertension et chirurgie
vicky herrera nov., 24 2025

Qu’est-ce qu’un pheochromocytome ?

Un pheochromocytome est une tumeur rare qui se développe dans la médullosurrénale, la partie centrale des glandes surrénales situées au-dessus des reins. Elle ne ressemble à aucune autre tumeur : elle produit en excès des hormones comme l’épinéphrine et la norépinéphrine, celles qui activent la réaction « combat ou fuite » du corps. Le problème ? Ces hormones sont libérées au mauvais moment - même quand vous êtes au repos. Résultat : des crises de tension artérielle soudaines, des maux de tête intenses, des sueurs abondantes, et un cœur qui s’emballe sans raison.

Ce type de tumeur est bénin dans 90 % des cas, mais elle peut être mortelle si elle n’est pas traitée. Ce n’est pas une hypertension ordinaire. C’est une maladie cachée, souvent confondue avec une crise d’anxiété, une migraine ou un trouble du rythme cardiaque. Environ 1 à 2 cas sont diagnostiqués chaque décennie par un médecin généraliste. La plupart des patients attendent en moyenne plus de trois ans avant d’obtenir un diagnostic correct.

Les symptômes qui ne trompent pas

Les trois signes les plus fréquents - la triade classique - sont presque incontournables : maux de tête sévères (85-90 % des cas), sueurs profuses (75-80 %), et palpitations ou tachycardie (70-75 %). Ces symptômes n’apparaissent pas en continu. Ils viennent par « crises » ou « épisodes », souvent déclenchés par un effort physique, un stress émotionnel, l’induction d’une anesthésie, ou même en urinant - surtout si la tumeur est dans la vessie (paragangliome).

En plus de cette triade, on observe fréquemment une pression artérielle paroxystique : des chiffres qui explosent à 180/110 mmHg ou plus, parfois même à 240/130. Mais attention : 10 % des patients présentent aussi une hypotension orthostatique, ce qui rend le diagnostic encore plus délicat. D’autres signes incluent une pâleur soudaine, des douleurs abdominales, des nausées, une perte de poids inexpliquée, ou des attaques de panique sans cause apparente.

Beaucoup de patients racontent avoir été traités pour des troubles anxieux pendant des années. Une femme de Montréal, diagnostiquée en 2021 après quatre ans de visites chez sept médecins, a raconté sur un forum de soutien : « On m’a donné des anxiolytiques alors que ma tension était à 240/130. Je pensais que j’étais folle. »

Comment diagnostiquer un pheochromocytome ?

Le diagnostic ne repose pas sur une simple prise de tension. Il faut prouver que le corps produit trop de catécholamines. La méthode la plus fiable est l’analyse des métanéphrines fractionnées dans les urines sur 24 heures ou la mesure des métanéphrines libres dans le plasma. Ces tests ont une sensibilité de 96 à 99 % - presque parfaite. Un résultat supérieur à trois fois la limite supérieure de la norme confirme presque à coup sûr la présence d’une tumeur.

Les autres causes d’hypertension - comme une sténose de l’artère rénale ou une surproduction d’aldostérone - ne provoquent pas cette triade de symptômes. Les migraines, le syndrome carcinoïde ou la mastocytose peuvent imiter le pheochromocytome, mais elles ne montrent jamais des niveaux élevés de métanéphrines. C’est cette spécificité qui fait la différence.

Environ 35 à 40 % des cas sont héréditaires, liés à des mutations génétiques comme SDHB, SDHD, VHL ou RET. C’est pourquoi, aujourd’hui, tout patient diagnostiqué doit passer un test génétique, même sans antécédents familiaux. Une étude de l’Université du Michigan en 2023 a montré que 25 % des cas « sporadiques » cachent en réalité une mutation héréditaire.

Scanne 3D d'une tumeur surrénale en cours de diagnostic avec des particules lumineuses.

Imagerie et localisation de la tumeur

Après un diagnostic biochimique confirmé, on cherche la tumeur avec une imagerie. La règle classique - appelée « règle des 10 » - dit que 10 % des tumeurs sont bilatérales, 10 % sont extra-surrénales (appelées alors paragangliomes), et 10 % sont malignes. Mais les nouvelles données montrent que ces chiffres sont en hausse chez les porteurs de mutations génétiques.

La tomodensitométrie (TDM) et l’imagerie par résonance magnétique (IRM) sont les premiers choix. Mais la scintigraphie à la 68Ga-DOTATATE - une technique de PET/CT - est de plus en plus utilisée car elle détecte 98 % des tumeurs, contre 85 % pour les méthodes traditionnelles. Elle est particulièrement utile pour repérer les métastases ou les tumeurs multiples.

Les tumeurs peuvent être très petites, mais aussi très agressives. Un pheochromocytome de moins de 4 cm peut être aussi dangereux qu’un plus gros, surtout s’il est lié à une mutation SDHB, qui augmente le risque de métastases à 30-50 % sur la vie entière.

La chirurgie : la seule cure possible

La bonne nouvelle ? Le pheochromocytome est l’une des rares causes d’hypertension qui peut être guérie par la chirurgie. Dans 85 à 90 % des cas, la pression artérielle revient à la normale après l’ablation de la tumeur. Plus de 80 % des patients arrêtent tous leurs médicaments antihypertenseurs dans les semaines suivant l’intervention.

Mais cette chirurgie est extrêmement délicate. Sans préparation adéquate, une simple manipulation de la tumeur peut déclencher une crise hypertensive massive, avec un risque de mort de 30 à 50 %. C’est pourquoi la préparation est non négociable.

Le protocole commence 7 à 14 jours avant l’intervention : un blocage alpha avec du phénoxybenzamine, un médicament qui détend les vaisseaux sanguins. En parallèle, le patient doit boire 2 à 3 litres d’eau par jour et consommer plus de 200 mEq de sel - car la tumeur a provoqué une déshydratation chronique. Sans cette étape, le patient risque un choc cardiogénique en salle d’opération.

La chirurgie se fait le plus souvent par laparoscopie, avec une réussite de 95 % dans les centres expérimentés. Mais dans 5 à 8 % des cas, l’équipe doit passer à une chirurgie ouverte à cause de saignements ou d’adhérences du tumeur aux vaisseaux. La durée d’hospitalisation est de 1 à 2 jours, et la plupart des patients retournent travailler en deux semaines.

Chirurgie laparoscopique d'une tumeur surrénale en cours, lumières vives et outils médicaux flous.

Les risques et les suites postopératoires

La chirurgie n’est pas sans risque. Dans les cas bilatéraux - où les deux glandes sont enlevées - le patient devient dépendant à vie des hormones stéroïdiennes. Il faut prendre de l’hydrocortisone (15-25 mg/jour) et du fludrocortisone (0,05-0,2 mg/jour) pour remplacer les hormones surrénales. Certains patients développent une crise d’Addison après l’opération, une urgence médicale qui peut être fatale si non traitée.

Une autre complication fréquente, mais souvent ignorée, est la fatigue chronique. Selon le Registre mondial du pheochromocytome, 12 % des patients ressentent une fatigue intense pendant plus de six mois après la chirurgie. Ce n’est pas une dépression - c’est un effet physiologique du déséquilibre hormonal soudain.

Les patients avec une mutation SDHB doivent être suivis à vie. Ils doivent passer une IRM corporelle complète chaque année, car leur risque de cancer métastatique est élevé. Même après une chirurgie réussie, le suivi est crucial.

Les avancées récentes et l’avenir du traitement

La recherche progresse vite. Depuis 2022, les thérapies ciblées comme le 177Lu-DOTATATE - une forme de radiothérapie par peptides - montrent des taux de réponse de 65 % chez les patients avec métastases. Des essais cliniques testent aussi l’Belzutifan, un inhibiteur de HIF-2α, pour les cas liés au syndrome de Von Hippel-Lindau.

Les prochaines années verront peut-être des biopsies liquides - des analyses de sang qui détectent des marqueurs génétiques de la tumeur avant même qu’elle ne soit visible à l’imagerie. Ce serait un changement de paradigme : diagnostiquer la maladie avant qu’elle ne cause des crises.

Le nombre de cas diagnostiqués aux États-Unis est estimé entre 5 000 et 10 000 par an. En France et au Canada, les chiffres sont similaires, mais beaucoup de cas restent non détectés. Le défi aujourd’hui n’est pas de trouver un traitement - c’est de ne plus le manquer.

Que faire si vous suspectez un pheochromocytome ?

Si vous avez des crises répétées de maux de tête intenses, de sueurs abondantes et de palpitations, surtout si elles sont déclenchées par des facteurs précis, parlez-en à votre médecin. Demandez un test de métanéphrines plasmatiques ou urinaires. Ne laissez pas votre médecin vous renvoyer à un psychiatre sans vérifier cette possibilité.

Si vous avez déjà été opéré d’un pheochromocytome, suivez les recommandations de suivi. Faites un test génétique. Si vous avez une mutation SDHB, planifiez vos examens annuels. Si vous avez eu les deux glandes enlevées, ne sautez jamais vos comprimés d’hydrocortisone.

Cette maladie est rare, mais elle est curable. Le problème n’est pas la médecine. Le problème, c’est que trop de gens ne sont pas écoutés. Vos symptômes ne sont pas « dans votre tête ». Ils ont un nom. Et il existe un moyen de les faire disparaître.

2 Commentaires

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    Olivier Rault

    novembre 26, 2025 AT 00:59
    J'ai un pote qui a été diagnostiqué il y a deux ans après 5 ans à se faire dire qu'il était juste stressé. Il a failli mourir en salle d'opération parce qu'on n'avait pas bien préparé. Maintenant il va super bien, mais faut vraiment que les médecins écoutent les patients. Ce n'est pas de l'anxiété, c'est une bombe à retardement dans le corps.
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    Pascal Danner

    novembre 26, 2025 AT 20:22
    Je suis tellement content que quelqu'un ait partagé ça... J'ai eu les trois symptômes pendant 4 ans... j'ai cru que j'allais devenir fou... les sueurs... les maux de tête... les palpitations... j'étais en train de perdre mon travail... et puis un jour, un interne a demandé un test de métanéphrines... et là... tout s'est éclairci... merci pour ce post... vous avez sauvé quelqu'un...

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