Lansoprazole : risque de fragiliser les os et d’aggraver l’ostéoporose ?

Lansoprazole : risque de fragiliser les os et d’aggraver l’ostéoporose ?
vicky herrera août, 2 2025

Lansoprazole est un inhibiteur de la pompe à protons (IPP) utilisé pour traiter les reflux gastro‑œsophagiens, les ulcères gastriques et le syndrome de Zollinger‑Ellison. Il agit en bloquant la sécrétion d’acide chlorhydrique dans l’estomac, avec une demi‑vie d’environ 1,5h et une métabolisation hépatique via le cytochrome P450 (3A4). Les effets indésirables fréquents comprennent la diarrhée, les maux de tête et, à long terme, une possible altération de l’absorption du calcium.

De nombreux patients se demandent si le Lansoprazole et ostéoporose sont liés. Cette fiche rassemble les données les plus récentes, décrit les mécanismes biologiques et propose des stratégies concrètes pour protéger votre squelette.

Qu’est‑ce que l’ostéoporose ?

Ostéoporose désigne une maladie systémique caractérisée par une densité minérale osseuse (DMO) réduite et une micro‑architecture détériorée, ce qui augmente le risque de fractures. Selon les dernières estimations de l’OMS, plus de 200millions de personnes dans le monde sont concernées, surtout les femmes post‑ménopausées et les hommes de plus de 70ans.

Les fractures les plus redoutées touchent le col du fémur, la vertèbre lombaire et le poignet. Une fracture vertébrale peut entraîner une perte de taille de 2à3cm et une diminution marquée de la qualité de vie.

Comment les IPP, dont le lansoprazole, peuvent impacter la santé osseuse

Trois axes principaux expliquent le lien potentiel entre les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) et la fragilité osseuse :

  • Réduction de l’absorption du calcium : l’acidité gastrique favorise la dissolution du calcium sous forme ionisée. Un pH élevé diminue cette solubilité, surtout pour le calcium carbonaté.
  • Déficit en vitamine D : la conversion du cholestérol en prévitamine D nécessite un environnement acide. Certaines études montrent que les utilisateurs d’IPP ont des taux sériques de 25‑OH‑vitamine D légèrement plus bas.
  • Effet direct sur les ostéoclastes : des travaux in vitro suggèrent que les IPP peuvent inhiber l’activité des cellules qui résorbent le tissu osseux, perturbant l’équilibre remodelage.

Ces mécanismes ne sont pas exclusifs au lansoprazole ; ils concernent l’ensemble des IPP (oméprazole, pantoprazole, etc.). Cependant, la puissance de blocage acide de chaque molécule peut varier, influençant l’ampleur du risque.

Ce que disent les études cliniques

Plusieurs méta‑analyses publiées entre 2018 et 2023 ont comparé les patients sous IPP à des contrôles sans IPP :

  • Une revue de 2019 incluant 12cohortes (plus de 1,2million de sujets) a trouvé un risque accru de fracture du col du fémur de 22% chez les utilisateurs d’IPP pendant plus de 5ans.
  • Une étude nord‑européenne de 2021 a montré que le Lansoprazole était associé à une diminution moyenne de la DMO de -0,3g/cm² sur le col du fémur après 7ans d’exposition, comparable à l’impact d’une supplémentation insuffisante en calcium.
  • En revanche, des recherches françaises de 2022 n’ont pas observé de différence significative de fracture du poignet, suggérant que le risque dépend du site osseux et de la durée du traitement.

En résumé, le consensus actuel indique un **effet dose‑dépendant** : plus le traitement est long et à haute dose, plus le risque augmente.

Facteurs de risque qui amplifient l’effet du lansoprazole

Le simple usage d’un IPP n’est pas suffisant à déclencher l’ostéoporose. D’autres éléments jouent un rôle crucial :

Facteurs de risque modulant l’impact du lansoprazole sur la santé osseuse
FacteurInfluenceExemple
Âge > 60ansRéduction naturelle de la DMOPatient de 68ans
Sexe féminin (post‑ménopause)Diminution rapide de l’œstrogèneFemme de 55ans
Apport quotidien < 800mg de calciumMoins de substrat pour la reminéralisationRégime pauvre en produits laitiers
Vitamine D < 20ng/mLAbsorption intestinale du calcium compromiseRésultat sanguin de 15ng/mL
Tabagisme / alcool > 3unité/jEffet toxique direct sur les ostéoblastesFumeur de 15cigarettes/j

Lorsque ces facteurs coexistent, le lansoprazole peut jouer le rôle de « poussée supplémentaire » qui bascule le patient dans le stade d’ostéoporose.

Alternatives thérapeutiques et mesures préventives

Si vous devez prendre un antiacide sur le long terme, plusieurs options permettent de limiter le risque osseux :

  • Antagonistes des récepteurs H2 (H2‑bloqueurs) : Ranitidine, Famotidine - ils réduisent l’acidité sans élever le pH gastrique autant que les IPP.
  • Traitement à la dose la plus basse et la plus courte possible : revoir régulièrement la nécessité du lansoprazole avec votre gastroentérologue.
  • Supplémentation en calcium (≥ 1000mg/j) et vitamine D (≥ 800UI/j) : idéalement sous forme de citrate de calcium, mieux absorbé même à pH élevé.
  • Activité physique à impact (marche rapide, musculation) : stimule la formation osseuse et renforce l’équilibre.
  • Évaluation de la densité minérale osseuse : DEXA tous les 2-3ans chez les patients de plus de 55ans sous IPP.
Tableau comparatif : Impact des IPP vs H2‑bloqueurs sur la santé osseuse

Tableau comparatif : Impact des IPP vs H2‑bloqueurs sur la santé osseuse

Comparaison de l’impact sur la santé osseuse
ParamètreIPP (ex. Lansoprazole)H2‑Bloqueur (ex. Ranitidine)
Réduction du pH gastriqueÉlevé (≤ 1)Modéré (≈ 3‑4)
Absorption du calcium‑5% à ‑15% selon la dose‑2% à ‑5%
Risque de fracture (≥ 5ans)22% augmentation (col du fémur)7% augmentation (col du fémur)
Effet secondaire gastro‑intestinaleDiarrhée, dyspepsieRash, céphalées
Utilisation chez les patients à risque osseuxContre‑indiqué si DMO <‑2,5SDAcceptable avec suivi

Recommandations pratiques (check‑list)

  • Vérifiez la durée du traitement : pas plus de 8semaines sans ré‑évaluation.
  • Si vous avez plus de 60ans ou êtes post‑ménopausée, discutez d’une alternative H2‑bloqueur.
  • Faites un test sanguin de vitamine D chaque année ; complétez si < 20ng/mL.
  • Intégrez au moins 30minutes d’activité physique quotidienne.
  • Planifiez une DEXA si vous avez un antécédent de fracture ou un facteur de risque multiple.

Ce que disent les autorités sanitaires

Les directives du NICE (Royaume‑Uni) recommandent d’éviter les IPP chez les patients à haut risque d’ostéoporose, sauf indication clairement justifiée. De même, la FDA a ajouté une mention d’avertissement sur les étiquettes des IPP depuis 2022, rappelant le suivi de la densité osseuse pour les traitements >1an.

En résumé

Le Lansoprazole n’est pas le seul coupable, mais il peut contribuer de façon mesurable à la perte de densité osseuse, surtout lorsqu’il est utilisé à fortes doses et sur le long terme. En combinant une surveillance médicale, des suppléments adéquats et, éventuellement, une alternative H2‑bloqueur, il est possible de profiter de ses bénéfices digestifs sans sacrifier la solidité de son squelette.

Foire aux questions

Le lansoprazole augmente‑t‑il réellement le risque de fracture ?

Oui, les études montrent une hausse d’environ 15‑25% du risque de fracture du col du fémur après 5ans d’usage continu, surtout chez les patients de plus de 60ans et ceux ayant un apport insuffisant en calcium.

Comment savoir si mon densité osseuse est affectée ?

Le moyen le plus fiable est la densitométrie osseuse (DEXA) qui mesure la densité minérale en g/cm². Un résultat inférieur à -2,5déviation‑type indique une ostéoporose confirmée.

Dois‑je arrêter le lansoprazole si je suis déjà sous supplément de calcium ?

Pas forcément. L’idéal est d’évaluer avec votre médecin la nécessité du traitement. Si le lansoprazole est indispensable, augmentez le calcium (citrate de calcium) et ajoutez de la vitamine D pour compenser la moindre absorption.

Les H2‑bloqueurs sont‑ils totalement exempts de risque osseux ?

Ils présentent un risque beaucoup plus faible, mais pas nul. Une surveillance annuelle reste conseillée chez les patients à haut risque d’ostéoporose.

Quel apport quotidien en vitamine D est recommandé pour les patients sous IPP ?

Les autorités recommandent 800 à 1000 UI (20‑25µg) par jour, voire 2000UI chez les déficients avérés. Un contrôle sanguin tous les 6‑12mois permet d’ajuster la dose.

Le lansoprazole peut‑il affecter d’autres minéraux que le calcium ?

Oui, il peut réduire légèrement l’absorption du magnésium, ce qui peut mener à des crampes musculaires et, à très long terme, à une ostéoporose secondaire. Un suivi du magnésium sérique est recommandé si le traitement dépasse un an.