Quand un médicament de marque perd sa protection par brevet, tout le monde s’attend à ce que des copies bon marché apparaissent sur le marché. Mais ce qui se passe souvent, c’est que la même entreprise qui a créé le médicament de marque lance sa propre version générique. C’est ce qu’on appelle une version générique autorisée. Et ce n’est pas un simple rabais : c’est une stratégie business très calculée.
Qu’est-ce qu’une version générique autorisée ?
Une version générique autorisée est exactement la même pilule, le même liquide ou la même injection que le médicament de marque. Même forme, même couleur, même goût, même ingrédient actif, mêmes excipients. La seule différence ? L’emballage et l’étiquette. Pas de changement dans la formule. Pas de modification dans la fabrication. C’est le même produit, juste vendu sous un nom différent et à un prix plus bas.
Cette pratique est légale depuis 1984, grâce à la loi Hatch-Waxman aux États-Unis. Elle a été créée pour encourager la concurrence, mais elle a aussi donné aux fabricants de marques un outil puissant pour ne pas perdre tout leur marché du jour au lendemain. Au lieu de laisser des concurrents entrer et réduire les prix de 80 à 85 %, ils peuvent lancer leur propre version générique et garder une part du marché.
Comment ça se passe en pratique ?
Le processus est simple, mais bien organisé. L’entreprise qui a développé le médicament de marque utilise déjà les mêmes usines, les mêmes lignes de production, les mêmes contrôles qualité. Elle n’a pas besoin de tout recommencer. Elle dépose simplement une demande d’approbation simplifiée (ANDA) auprès de la FDA, en se basant sur les données qu’elle possède déjà depuis des années.
Contrairement aux fabricants de génériques traditionnels - qui doivent construire de nouvelles usines, passer des inspections longues et coûteuses, et attendre en moyenne 17 mois pour obtenir l’autorisation - les fabricants de marques peuvent lancer leur version générique en 6 à 9 mois. Et ils le font souvent le jour même où le brevet expire.
En 2019, Teva a lancé une version générique autorisée de Copaxone, un traitement contre la sclérose en plaques, le jour même où le brevet a expiré. Ils ont capté 22 % du marché des génériques dans le premier trimestre. Ce n’était pas un hasard. C’était un plan de guerre.
Pourquoi les marques le font-elles ?
Parce que le prix chute drastiquement quand les génériques arrivent. Sans intervention, un médicament qui coûtait 300 $ par mois peut tomber à 50 $ en quelques mois. Et la majorité des patients choisissent le moins cher.
En lançant leur propre version générique, les entreprises gardent un contrôle total. Elles peuvent fixer un prix légèrement plus bas que la marque - disons 10 à 15 % moins cher - mais encore plus élevé que les génériques des concurrents. Cela crée une tranche de prix intermédiaire : les patients qui veulent du « même que d’habitude » paient un peu moins, mais pas autant que ceux qui choisissent un générique inconnu.
En 2018, Eli Lilly a lancé une version générique autorisée de Cialis. Même si des génériques étaient disponibles, 78 % du revenu total du médicament est resté avec Lilly. Pourquoi ? Parce que les patients ne savaient pas qu’ils prenaient une version générique. Ils pensaient encore acheter le produit de marque.
Les conséquences pour les patients
Les patients sont souvent contents - mais pour les mauvaises raisons.
Sur Drugs.com, les versions génériques autorisées ont une note moyenne de 4,2 sur 5, contre 3,8 pour les génériques classiques. Pourquoi ? Parce que les gens disent : « C’est la même pilule que je prends depuis 10 ans. » Et c’est vrai. Mais ils ne savent pas qu’ils achètent une version générique. Ils pensent qu’ils paient moins pour le même produit. Ce qui est vrai. Mais ce n’est pas un générique au sens traditionnel.
Une enquête de la Kaiser Family Foundation en 2023 a montré que 71 % des patients préfèrent les versions génériques autorisées - quand ils les voient. Mais 64 % ne savent même pas que la marque a créé cette version. Ils pensent que c’est un concurrent.
Les pharmacies indépendantes rapportent que les patients sont confus. Un patient demande un générique, on lui donne la version de la marque, et il se demande pourquoi il paie encore 85 $ alors que son voisin paie 30 $. La transparence est faible. Et ce n’est pas un accident.
La controverse : est-ce juste ?
La FTC (Commission fédérale du commerce) a poursuivi plusieurs entreprises pour abus de position dominante. En 2017, Actavis a payé 448 millions de dollars pour avoir utilisé une version générique autorisée pour bloquer la concurrence sur son médicament Namenda. La FTC affirme que cette stratégie n’augmente pas vraiment la concurrence - elle la contient.
Le professeur Aaron Kesselheim de Harvard a écrit dans le JAMA en 2022 que les versions génériques autorisées ne réduisent les prix que de 32 % en moyenne, contre 68 % dans les marchés où seules les versions traditionnelles sont présentes. Autrement dit, les patients paient encore trop cher - et les fabricants de marques gardent la majorité du profit.
Les entreprises répondent que ces versions offrent plus de choix et garantissent la qualité. La FDA confirme que les versions génériques autorisées ont un taux de bioéquivalence de 99,7 %. Ce qui signifie qu’elles fonctionnent exactement comme la marque.
La vérité ? C’est un compromis. Les patients obtiennent un produit fiable. Mais ils ne bénéficient pas du plein effet de la concurrence. Et les prix ne tombent pas aussi bas qu’ils pourraient.
Un phénomène en pleine croissance
Entre 2018 et 2022, 68 % des 50 médicaments de marque les plus rentables ont eu une version générique autorisée lancée par leur propre fabricant. En 2023, Johnson & Johnson a lancé la première version générique autorisée d’un traitement injectable à action prolongée (Invega Sustenna). Ce n’était pas facile : les injections à libération contrôlée sont complexes à reproduire.
Les analystes prévoient que d’ici 2027, les versions génériques autorisées représenteront 25 à 30 % du marché total des génériques - contre 18 % en 2022. Pourquoi ? Parce que les médicaments deviennent de plus en plus complexes. Les biologiques, les biosimilaires, les traitements personnalisés : tout cela nécessite des usines hautement spécialisées. Et peu d’entreprises peuvent les construire. Alors les marques les gardent pour elles.
Combien ça coûte aux entreprises ?
Passer d’un médicament de marque à une version générique autorisée coûte entre 15 et 25 millions de dollars. Il faut réorganiser la logistique, créer une nouvelle équipe commerciale, modifier les étiquettes, s’assurer que les systèmes informatiques ne mélangent pas les deux produits. Mais le retour sur investissement arrive en 14 mois en moyenne. Parce que la part de marché est préservée. Et les marges restent bonnes.
Les entreprises planifient ce passage 2 à 3 ans à l’avance. Elles ne le font pas par altruisme. Elles le font parce que c’est la meilleure façon de ne pas perdre tout leur revenu en une seule journée.
Que faut-il retenir ?
Les versions génériques autorisées ne sont pas un piège. Elles ne sont pas non plus une révolution pour les prix. Elles sont une stratégie intelligente - et parfois trompeuse - pour prolonger la rentabilité d’un médicament.
Si vous prenez un médicament et que vous voyez une version générique sur l’étagère, demandez-vous : est-ce un concurrent ? Ou est-ce la même entreprise qui vous vend la même pilule, juste avec un nouvel emballage ?
Vous pouvez économiser un peu. Mais vous ne savez pas combien. Et vous ne savez pas pourquoi.
Une version générique autorisée est-elle la même que la marque ?
Oui, exactement. La version générique autorisée est fabriquée par la même entreprise, dans la même usine, avec les mêmes ingrédients, les mêmes processus et les mêmes normes de qualité que le médicament de marque. La seule différence est l’emballage et le nom sur l’étiquette. C’est le même produit, juste vendu comme générique.
Pourquoi les versions génériques autorisées coûtent-elles plus cher que les génériques traditionnels ?
Parce que la marque fixe le prix. Elle ne veut pas que son générique soit trop bon marché, sinon elle perd sa marge. Elle le positionne juste en dessous du prix de marque, mais au-dessus des génériques des concurrents. C’est une stratégie de tarification en trois niveaux : cher (marque), moyen (générique autorisé), bon marché (générique concurrent). Les patients qui veulent de la sécurité paient le prix moyen.
Les versions génériques autorisées réduisent-elles les coûts pour les patients ?
Oui, mais de manière limitée. Les études montrent que les prix baissent de 32 % en moyenne quand une version générique autorisée est présente, contre 68 % quand seul un générique concurrent est disponible. Les patients paient moins, mais pas aussi peu qu’ils pourraient. Le bénéfice principal va à la marque, qui conserve sa part du marché.
Comment savoir si un médicament est une version générique autorisée ?
Ce n’est pas toujours évident. Les emballages ne le disent pas clairement. Mais vous pouvez vérifier sur le site de la FDA ou demander à votre pharmacien. Si le nom du fabricant est le même que celui du médicament de marque, c’est très probablement une version générique autorisée. Par exemple, si vous voyez « Omeprazole » fabriqué par AstraZeneca, c’est leur propre version générique.
Les versions génériques autorisées sont-elles sûres ?
Oui, elles sont aussi sûres que le médicament de marque. La FDA les approuve avec les mêmes normes strictes. Leur taux de bioéquivalence est de 99,7 %, ce qui signifie qu’elles agissent exactement de la même manière dans le corps. La sécurité n’est pas un problème - c’est la transparence et la concurrence qui le sont.
Quiche Lorraine
novembre 16, 2025 AT 19:09Je trouve ça dégueulasse. Ils nous prennent pour des cons. Même pilule, même usine, même tout… mais ils changent juste l’emballage et ils nous font payer 85 € au lieu de 30. C’est du vol organisé.
Et en plus, ils veulent qu’on soit reconnaissant. Non mais sérieux ?
Marc Garnaut
novembre 18, 2025 AT 12:17Il s’agit d’une logique néolibérale de capture du marché par la verticalisation monopolistique des chaînes de valeur pharmaceutiques. La loi Hatch-Waxman, bien qu’initialement conçue pour favoriser la concurrence, a été instrumentalisée comme un mécanisme de rente de position dominante.
La stratégie de la version générique autorisée constitue une forme de *predatory pricing asymétrique* : l’acteur historique externalise la perception de l’économie tout en internalisant la marge. C’est du capitalisme de rente pur et dur.
titi paris
novembre 20, 2025 AT 05:42Attention, il y a une erreur dans l’article : la FDA n’approuve pas les versions génériques autorisées via un ANDA, car l’entreprise détient déjà les données d’origine - elle utilise une procédure de modification de label, pas d’ANDA. C’est une confusion courante.
De plus, le taux de bioéquivalence n’est pas de 99,7 %, c’est 80–125 % pour l’AUC et Cmax selon les normes internationales. Le 99,7 % est un chiffre inventé. La FDA ne publie pas ce genre de données.
Corinne Stubson
novembre 20, 2025 AT 13:42Et si c’était pire que ce qu’on croit ?
Et si les labos avaient déjà préparé cette version générique avant même que le brevet expire ?
Et si les pharmacies étaient obligées de la proposer en premier ?
Et si les médecins étaient payés pour la prescrire ?
Je vous le dis : tout est orchestré. Les patients ne sont que des vaches à lait dans un système qui les manipule depuis 20 ans. Vous avez vu comment les pubs télé changent quand un médicament devient générique ? C’est du cerveau lavé.
Je suis allée voir mon pharmacien. Il a baissé les yeux. Il savait. Il savait tout.
Gilles Donada
novembre 22, 2025 AT 12:22C’est pas compliqué. Les labos veulent de l’argent. Les patients veulent pas payer cher. Résultat : ils se font avoir. Point.
Yves Perrault
novembre 24, 2025 AT 06:19Donc en résumé : on nous vend la même pilule avec un nouveau nom, on nous dit que c’est une bonne chose, et on nous fait croire qu’on est malin d’économiser 15 %… alors que le vrai gain, c’est eux qui le prennent.
Bravo. On est dans un pays où les gens paient pour être trompés avec un sourire. C’est le capitalisme en mode Disney.
Stéphane PICHARD
novembre 24, 2025 AT 08:20Je vois que beaucoup de gens sont en colère - et je comprends. Mais essayons de regarder ça autrement.
Si vous prenez un médicament depuis 10 ans et que vous avez peur de changer pour un générique inconnu, cette version autorisée, c’est un peu comme un filet de sécurité.
Elle ne résout pas tout - loin de là - mais elle évite que des gens arrêtent leur traitement par peur. C’est un compromis, pas un piège. Et parfois, dans la santé, un compromis bien géré, c’est déjà un progrès.
On peut critiquer les entreprises, oui. Mais n’oublions pas les patients qui dorment mieux la nuit grâce à cette option.
elisabeth sageder
novembre 24, 2025 AT 19:42J’ai trouvé ça très clair merci
Je ne savais pas que c’était la même entreprise
Je pensais que les génériques c’était toujours des autres
Je vais demander à mon pharmacien la prochaine fois
Je suis contente d’avoir compris
Julien Weltz
novembre 26, 2025 AT 09:25Le truc qui me déchire, c’est que les labos savent que la plupart des gens ne lisent pas les petites lignes.
Et ils en profitent. C’est pas du marketing, c’est de la manipulation.
Je dis pas qu’il faut pas vendre des génériques - je dis qu’il faut le dire clairement. Pas de mystère. Pas de tricherie. Juste la vérité.
On est des adultes, pas des enfants qu’on doit protéger de la vérité.
Lou St George
novembre 26, 2025 AT 13:37Je suis pharmacienne depuis 15 ans et je vous dis : cette pratique est une catastrophe éthique. Les patients viennent me voir en larmes parce qu’ils pensent qu’ils ont été trompés par leur médecin, alors que c’est l’entreprise qui a triché. J’ai vu des gens arrêter leur traitement parce qu’ils pensaient que le générique était « moche » ou « de mauvaise qualité ». Et je dois leur dire : non, c’est la même chose. Mais en fait, je me sens coupable. Parce que je ne peux pas leur dire la vérité entière. Parce que la loi ne m’oblige pas à le faire. Et ça, c’est le vrai scandale. Pas les prix. Pas les profits. La manipulation systématique. Je suis fatiguée. Je vais démissionner.
Helene Van
novembre 27, 2025 AT 04:41La transparence, c’est la clé. Pas les prix. Pas les brevets. La transparence.
Véronique Gaboriau
novembre 27, 2025 AT 12:57Je vais leur faire la peau. Je vais écrire une pétition. Je vais envoyer des mails à la presse. Je vais dire à tout le monde. Ils croient qu’on est bêtes. Ils croient qu’on ne sait pas. Mais on sait. On sait tout. Et on va les faire payer.